CITOYEN D’INFORTUNE
 

CITOYEN D’INFORTUNE

 
14. 11. 2022. / Poèmes / par Mladenka
 


Ma patrie m’a craché de ses poumons
Ses poumons noirs,
Noirs de sang, de fumée et de haine
Je suis devenu le citoyen d’infortune,
Celui qui demande à ce que l’on lui prête
Un bout de ciel
Et un papier pour rester accroché à la terre.
Terre divisée en parcelles,
Parcelles colorées en vert, bleu, gris et noir
Noir, comme les poumons de mon pays
Qui ne veut plus de moi.
Ainsi, je suis devenu le citoyen de la Terre,
À qui manque un papier.
Ce papier qui prouve que j’existe,
Que j’ai un nom, des yeux, une taille,
Une couleur de cheveux et un numéro.
Numéro qui me donne le droit de respirer l’air
Que tu considères le tien
Aussitôt qu’il se trouve passer par ton bout de carré,
Le carré vert, bleu, gris et noir.
Noir comme le rideau tombé sur mes rêves.
Rêves qui n’ont droit d’exister sans ce papier
Ce papier où l’on peut lire mon nom, ma taille,
La couleur de mes cheveux,
Où l’on y voit ma bouche mais pas mes dents
Blanches et éclatantes.
Ainsi, la Terre est remplie de bouts de carrés,
Avec des papiers,
De sérieux papiers,
Qui, par convention, ne donnent pas le droit
Au sourire.

 

Mladenka Perroton-Brekalo, Errances, Éditions des Sables, 2019